Progressivement, les systèmes décisionnels utilisés aux achats intègrent une dimension prédictive, pour ne plus simplement agir en réaction mais aussi par anticipation. En s’appuyant sur des simulations et des prévisions, la fonction peut ainsi adapter sa stratégie très en amont.
Pour agir avec un coup d’avance, en anticipant les variations de marché ou l’évolution de la demande, les directions des achats ont compris qu’elles devaient se tourner vers le futur. Et donc ajouter une dimension prédictive à leurs systèmes décisionnels. Si les projets initiés par quelques grands groupes dans ce domaine sont encore loin d’avoir atteint leurs objectifs, l’intérêt pour le sujet reste prégnant. A condition d’en maîtriser les contours, puisque l’analyse prédictive recouvre de multiples notions, autour de deux grandes approches : la simulation et les prévisions.
Dans le premier cas, il s’agit de tester différents scénarios, en jouant sur les options possibles, pour mesurer leur impact et faire les meilleurs choix. Aux achats, la simulation permet de calculer les gains potentiels et d’ajuster la stratégie, dans le cadre de l’élaboration budgétaire, mais aussi de planifier l’activité dans une optique organisationnelle, pour savoir quel calendrier adopter, quels acheteurs mobiliser, etc. L’approche prévisionnelle, plus poussée, suit un raisonnement inverse : en s’appuyant sur des mécanismes d’intelligence artificielle, elle vise à déterminer des situations futures pour s’y préparer au mieux par anticipation. Si les prévisions s’appliquent particulièrement aux informations financières (cours des devises, évolution des prix, etc.), tout est envisageable, notamment en matière de gestion du risque fournisseurs. La direction des achats a néanmoins intérêt à limiter les champs d’investigation, en se positionnant plutôt sur des sujets ayant des impacts à relativement courte échéance, dans des domaines où elle peut trouver des solutions alternatives.
Avant de se lancer dans le prédictif, plusieurs étapes s’imposent. Disposer d’un système d’analyse des dépenses, pour savoir ce qui est consommé et par qui, en faisant appel à quels fournisseurs, est un préalable incontournable. A quoi cela servirait-il à une entreprise de s’intéresser au futur si elle ne sait déjà pas ce qu’elle achète ? Il est ensuite nécessaire d’identifier toutes les autres sources d’information potentielles et d’extraire les données pertinentes, en recourant éventuellement à des solutions de gestion des connaissances, en particulier des outils de veille automatisée ou des moteurs de recherche. L’utilisation d’un logiciel de datamining, pour faire le tri ou établir des corrélations, peut aussi s’avérer très utile. Sans oublier les systèmes décisionnels orientés big data qui commencent à se multiplier sur le marché, capables de traiter de gros volumes de données de toute nature, dans des délais très courts.
Cette complexité explique la timide avancée des directions des achats sur ce terrain. Les plus en pointe utilisent les outils mis à disposition par la finance, qui ne permettent pourtant de faire qu’une partie du travail. Il s’agit souvent du module décisionnel de l’ERP de l’entreprise, parfois enrichi de développements spécifiques. L’utilisation de la brique dédiée des solutions e-achats est beaucoup moins courante. Il faut dire que le décisionnel, et a fortiori l’analyse prédictive, est un projet qui dépasse la fonction achats, avec des contraintes techniques en termes d’extraction des données et de programmation des règles, qui nécessite l’intervention de la DSI. Voire de statisticiens ou de « data scientists », un métier en devenir.
Pour accompagner les directions des achats, la plupart des éditeurs métiers, au moins ceux déjà positionnés sur le décisionnel (B-Pack, IBM-Emptoris, Ivalua, SAP-Ariba, SynerTrade, Zycus, etc.), assurent qu’ils travaillent sur le sujet. Le plus souvent, ils abordent l’analyse prédictive d’abord à travers la planification budgétaire, pour proposer par exemple des prévisions de dépenses à six mois ou un an. En cherchant à aller plus loin, ils craignent non seulement de s’éloigner de leur métier, mais aussi de se confronter à des éditeurs d’outils hyperspécialisés, beaucoup plus expérimentés et reconnus sur leur marché. En attendant que les solutions e-achats se mettent à niveau, le recours aux solutions décisionnelles généralistes (IBM Cognos, SAP Business Objects, Oracle Hyperion, etc.) reste préférable. Notamment si le projet se limite à de la modélisation, de la simulation ou de la projection pour identifier des grandes tendances. Pour connaître et anticiper des événements futurs, des fonctionnalités plus poussées s’avèrent néanmoins indispensables.